Cimetière Indien : “True Detective a été une source d’inspiration”… Le scénariste nous dit tout sur la nouvelle série policière de Canal+

Ce lundi soir, Canal+ diffuse les premiers épisodes de “Cimetière Indien”, sa nouvelle série policière événement dans la veine de “True Detective”, avec Mouna Soualem et Olivier Rabourdin.

Ulrich Lebeuf/Mintee Studio/CANAL+

Ce lundi 7 avril, Canal+ lance la diffusion de Cimetière Indien, sa nouvelle série policière créée et écrite par Thomas Bidegain (Emilia Pérez) et Thibault Vanhulle. Portée par Mouna Soualem et Olivier Rabourdin, ce polar original nous fait voyager entre deux époques.

En 1995, Lidia, jeune recrue ambitieuse de l’anti-terrorisme, est envoyée à Peranne, pour enquêter sur le scalp d’un imam, aux côtés de Jean, gendarme désabusé, hanté par ses souvenirs de la guerre d’Algérie.

25 ans plus tard, l’ancien maire de Peranne est assassiné. Au même moment, Jean disparaît mystérieusement. Lidia, qui est devenue préfète, retourne alors dans la région pour tenter de le retrouver. Elle va alors devoir faire face au passé qu’elle pensait définitivement enterré.

A l’occasion du Festival de la Fiction de La Rochelle, qui s’est tenu en septembre dernier, AlloCiné a rencontré Thibault Vanhulle, l’un des scénaristes de Cimetière Indien pour discuter de la série et de ses inspirations.

AlloCiné : Comment est né le projet de Cimetière Indien? D’où vous est venue l’idée de la série ?

Thibault Vanhulle : Canal+ avait pour désir de faire un polar sur deux époques. Et à partir de là, nous avions carte blanche. Avec Thomas Bidegain, mon co-auteur, nous étions tous les deux amoureux du genre.

Et nous voulions raconter, à travers les deux époques, la France contemporaine en faisant dialoguer deux époques qui auraient en quelque sorte des choses à se dire. C’est comme ça qu’est née l’envie de situer cette histoire dans un territoire, la France périurbaine, qui est relativement peu vu sur les écrans français.

Nous voulions réfléchir sur les grandes évolutions entre 1995 et aujourd’hui. Nous ne voulions pas faire quelque chose de didactique par rapport à un discours sur les grandes évolutions françaises entre les deux époques, mais tout simplement raconter qu’elles étaient les illusions et les espoirs de 95 au regard de la situation contemporaine française, tout ça à travers la mutation d’un territoire.

C’est le cadre sociologique et social de la série. Ce qui était très important pour nous, c’est de respecter les codes et les conventions du genre mais aussi de montrer les évolutions sociologiques de la France.

La série repose sur deux narrations, le passé et le présent qui ne cessent de s’entremêler. Comment fait-on pour ne pas s’emmêler les pinceaux et garder une histoire cohérente pour le téléspectateur ?

Je ne dis pas que les deux époques sont exogènes l’une par rapport à l’autre, mais nous avons développé les deux histoires chacune de leur côté. Nous avons créé l’histoire en 1995, qui se fait de manière linéaire et chronologique, et nous en avons fait de même pour la période contemporaine.

Et ensuite, nous avons essayé d’entrelacer les choses de manière à ce qu’elles puissent se parler efficacement, et aussi de manière à ce que les images s’opposent, en passant d’une ambiance à une autre et d’un personnage à un autre.

Par exemple, la Lidia du passé est pleine de véhémence contre le système et pleine d’idéaux alors qu’elle est devenue préfète 30 ans plus tard, et elle beaucoup plus rigide. Ce sont des choses qui se font à l’écriture, mais en définitive, les passages dans le temps se font surtout au montage, ce qui nous a permis d’entrelacer les deux époques de manière un peu plus complexe, un peu plus riche et un peu plus rythmée aussi.

C’est donc surtout un travail de montage et de réalisation qui permettent de donner un résultat qui soit à la fois compréhensible et dynamique.

Comment est-ce que vous avez fait pour retranscrire les années 90, et notamment le racisme ordinaire qui était présent à l’époque, sans tomber dans les clichés ?

Avec Thomas Bidegain, nous nous sommes chacun appuyés sur nos souvenirs et nos ressentis, qui n’étaient d’ailleurs pas les mêmes. Nous nous sommes donc complétés. Nous n’avons pas vécu les mêmes choses aux mêmes endroits donc c’était enrichissant de comparer notre expérience de la fin des années 90.

Nous nous sommes également replongés dans des films de l’époque. C’était intéressant de voir comment le thème du racisme était abordé. On parlait beaucoup de la France “black-blanc-beur”.

Il y avait une sorte d’émulation, voire peut-être d’illusion, sur le fait que vivre ensemble, le pluriethnique et le pluriculturelle allaient fonctionner, que le numérique allait tous nous sauver.

C’était une chose qui me tenait à cœur. De voir à quel point une partie des promesses et des espérances de cette époque ont été détrompées par le temps. Par exemple, le 11 septembre n’avait pas encore eu lieu en 1995. Le monde est entré au début du XXIᵉ siècle dans quelque chose qui a brisé cette période.

Ce qui est très surprenant dans la série, c’est la manière dont le crime est commis. La victime est en effet victime d’un scalp. C’est quelque chose qui n’est pas commun en France. Comment vous est venue cette idée ?

Je ne peux malheureusement pas en dire trop parce qu’on apprend l’origine du scalp et de ce geste tardivement dans la série. Je pense que c’était peut-être justement un désir d’interpeller en disant que c’est quelque chose qui n’est fondamentalement pas local et pas contemporain dans ce geste archaïque d’une autre culture. Mais je n’en dirais pas plus parce que j’ai envie que le mystère reste entier pour vous tenir en haleine jusqu’à la révélation.

La série a une ambiance très particulière qui fait presque penser aux séries américaines qui se déroulent à la frontière mexicaine. Quelles ont été vos inspirations dans l’écriture de la série ?

Les séries américaines ont évidemment été une inspiration lors de l’écriture. En revanche, quand on parle de l’ambiance visuelle, ce sont Stéphane Demoustier et Farid Bentoumi, les deux réalisateurs, qui ont créé cette tessiture.

Il y a eu une influence anglo-saxonne, et particulièrement américaine, c’est indéniable. Pour être franc, j’ai grandi et développé ma culture du polar avec des œuvres d’origine outre-Atlantique. True Detective, particulièrement la saison 1, a été une source d’inspiration évidente dans cette enquête un peu poisseuse, dans un environnement naturel et à la fois hostile mais grandiose.

Quand j’ai commencé à travailler sur la série, je me suis dit que nous envions très souvent les américains d’avoir la possibilité naturelle de filmer des choses dingues. Et en explorant le territoire autour de Marseille, en dehors de la ville, je me suis dit que nous aussi, nous avions de quoi faire en France.

Nous aussi nous avons la possibilité de faire des choses un peu léchées et un peu stylisées. Il ne s’agit pas de copier en moins bien, mais nous avons aussi une nature très riche, parfois hostile, rocailleuse, et une faune et une flore assez dingues.

Retrouvez les deux premiers épisodes de Cimetière Indien ce lundi 7 avril à partir de 21h sur Canal+. La diffusion passera ensuite à un épisode inédit par soirée.

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